30 septembre 2007

Paul ArCON frappe encore!

Bon, je le sais que vous allez tous me demander mon opinion sur le nouveau film de l'Homme-qui-pose-les-vraies-questions, alors je me lance avant même sa sortie. Parce que lors de son apparition-promotion à Tout Le Monde En Parle, l'Homme-qui-pose-les-vraies-questions a fourni les mauvaises réponses à 5 reprises en moins de 5 minutes, ce qui me fait craindre le pire pour la suite. Rétablissons donc quelques faits:
Affirmation numéro 1: "Quand les gens qui prennent des anti-dépresseurs prennent en plus du millepertuis, ça annule l'effet" FAUX, il s'agit d'un effet additif, avec risque d'addition des effets secondaires également. Bon, le gars n'est pas pharmacien, allez-vous me dire, il a fait une petite erreur, on ne peut pas lui en vouloir. Mettons... Mais quand on veut jouer au spécialiste devant plus de 1,5 millions de personnes, on vérifie ses références ou bien on ferme sa gueule!
Affirmation numéro 2: "Les médecins ne sont pas capables de lire les études sur les médicaments" Ah, parce que Arcon, lui, il est capable! M'excuse, je ne suis pas toujours d'accord avec leurs décisions, mais c'est quand même pas tous des épais, les médecins sont formés pour lire les études, merci!
Ce qui m'amène à l'affirmation numéro 3, quand Guy A Lepage demande à Arcon à qui on peut faire confiance si les médecins et les pharmaciens sont tous incompétents: "Ben on peut toujours aller sur Internet" Ben oui, parce que si les médecins ne sont pas capables de lire les études, monsieur et madame Tout Le Monde, eux, sont capables! Et parce qu'évidemment, il faut croire tout ce qui est écrit sur internet! (Lecteurs, j'espèce que vous ne croyez pas TOUT ce qui est écrit sur notre blog... Des fois, on fait des blagues, vous savez. Mais ma montée de lait en ce moment est bien réelle par contre!) Oui les patients doivent s'informer davantage sur les médicaments qu'ils prennent, et internet PEUT être une source d'information, mais il ne faut SURTOUT pas que ce soit la seule avec toutes les cochonneries qui s'y trouvent et jamais internet ne remplacera l'avis professionnel qui tient compte du contexte clinique propre à chaque personne.
Affirmation numéro 4: "Les pharmaciens proposent les médicaments génériques parce qu'ils touchent des ristournes des compagnies pharmaceutiques ce faisant" FAUX, les pharmaciens proposent les médicaments génériques parce qu'ils sont moins chers, mais SURTOUT parce que ce sont les médicaments génériques qui sont remboursés par les assurances. Quand le pharmacien sert le médicament original alors qu'un générique est disponible, le patient paye un supplément non assurable. Et après qui le patient chiale parce qu'il paye un supplément? Un indice, pas après son assureur... Je ne dis pas que l'histoire des ristournes aux pharmaciens-propriétaires n'existe pas, au contraire, mais il ne faut pas mettre tous les pharmaciens dans le même panier! D'ailleurs...
Affirmation numéro 5: "85% des pharmaciens sont impliqués dans l'enquête du syndic sur les ristournes" Encore FAUX FAUX FAUX!!!! Faut toujours ben pas virer fou! Les ristournes, c'est-à-dire des rabais/montants d'argent/pots de vin alloués par les compagnies génériques aux pharmaciens propriétaires pour favoriser leur produits génériques vs ceux d'une autre compagnie, sont justement allouées aux pharmaciens-PROPRIÉTAIRES. Donc impossible que cela représente 85% des pharmaciens. De plus, parmi ces pharmaciens propriétaires, il y en a (oui, oui, malgré ce que Arcon en pense!) qui utilisent ces rabais (je ne parle pas de pots de vin là, je parle de rabais sur la facture) à bon escient pour investir dans les services cliniques pour de meilleurs soins aux patients, ou encore dans la formation de leurs employés, et non pas seulement dans des piscines, des grosses maisons et des voyages à Vegas pour aller voir des shows de Céline! On commence à être pas mal loin du 85% des pharmaciens là...
Et là, je n'aborde même pas l'affirmation selon laquelle le patient a toujours le choix de prendre ou non le médicament que le médecin lui prescrit, qui est vraie jusqu'à ce qu'on se rappelle que certaines maladies, ma foi, ne guérissent pas toutes seules (stupéfaction!) et que c'est parfois jouer avec la vie des gens que de les inciter à refuser les pilules.
Je ne dis pas que le film ne soulèvera pas quelques questions intéressantes, car il est vrai qu'il y a de graves problèmes au sein des compagnies pharmaceutiques, qui ne gèrent effectivement pas le même type de bussiness que toutes les autres, mais connaissant le bonhomme qui se prend pour Michael Moore-Grand-Sauveur-de-l'Humanité, et à voir le peu de connaissances du sujet qu'il a démontré ce soir devant plus de 1,5 millions de téléspectateurs, je suis très inquiète et je me demande donc la quantité de menteries et de raccourcis qu'il a pu prendre dans son précédant film...
Pharmaciens d'officine, je vous plains grandement, vous qui aurez à dealer avec tous vos patients qui vont prendre les paroles de cet opportuniste pour du cash...

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Chère Cindy,

Comme je te comprends.... Etant donné que je ne peux rien écrire sur un blog à ce sujet (oeuvrant moi-même au sein d'une compagnie pharmaceutique qui a un code d'étique irréprochable), je peux juste te demander de continuer à bien représenter cette belle profession qu'est pharmacien-ne, comme tu le fais d'ailleurs !

On s'en rejase de vive voix !

Cousine Christine xxx

Anonyme a dit...

Bravo Cindy,
Je suis fière de toi.
Bye,Monique

Anonyme a dit...

Mais s'il pose les vrais questions pourquoi n'obtient-il pas les vraies réponses?

Anonyme a dit...

Pour t'aider à passer ta colère, la critique d'Odile Paradis dans le Devoir:

“Tranchons là: Québec sur ordonnance est un des films les plus mal réalisés qu’il m’ait été donné de voir. Une vraie catastrophe. Confus au possible, avec des surimpressions, des effets d’un kétaine inouï. Bonjour les montagnes et les fontaines de pilules multicolores!”

Anonyme a dit...

Il en demeure pas moins que malgré l'imbicilité du personnage et les erreurs de sa présentation à TLMEP,
le fond du problème demeure.

Les Québécois consomment beaucoup plus de médicaments que les autres Canadiens, qui en consomment déjà trop. C'est d'ailleurs la principale cause, et non pas le vieillissement de la population, d'augmentation des dépenses en santé.

C'est aussi l'industrie qui génère, et de loin, les plus fortes marges de profits (carrément excessives) et qui s'active à du lobby tellement tentaculaire et intensif que de les défendre relève de l'aveuglement volontaire...